Les intégristes catholiques en France

  • 1 Exposé donné le 19 novembre 2004.

L’indignation sans réflexion ni rationalité conduit à la disqualification d’autrui. L’indignation est tout enveloppée de morale, alors qu’elle n'est souvent qu’un masque de l’immorale colère.
E. Morin, Ethique, Méthode 6, p. 57

1Le fondamentalisme n’est pas un phénomène seulement religieux : il peut être politique, culturel, tribal. Dans son ouvrage Le choc des civilisations et la reconstruction du monde, Samuel Huntington analyse de façon nuancée le repli qu’il appelle identitaire et qui est la source de fondamentalismes variés.

2La naissance du phénomène, sa permanence s’expliquent par la sensation qu’une grave menace pèse sur l’identité d’un groupe ; le fondamentalisme est un phénomène réactif à une angoisse, justifiée ou non. La société, par suite de changements, se délite et les assurances qu’elle soutenait auparavant sont devenues si aléatoires qu’elle donne un sentiment insurmontable de précarité. Huntington fait d’ailleurs remarquer que la mondialisation appuyée sur les infrastructures technologiques qui sont le véhicule de la culture occidentale, éveille à un nouvel intérêt pour sa propre identité culturelle traditionnelle au point que, loin de produire l’uniformité redoutée par beaucoup, elle pousse à la dispersion culturelle et génère des entités séparées. Un peuple peut fort bien accepter la modernité scientifico-technique et haïr la culture occidentale. Il peut s’enfermer en sa tradition, ne manifester aucune distance critique à son égard. Le fondamentalisme s’engendre d’une détresse réelle ou imaginaire. Un jugement trop hâtif ou trop moralisant sur ce phénomène social risque de ne pas entendre l’avertissement qu’il adresse à la société contemporaine comme une sorte de cri, tant le sentiment de se noyer ou de se perdre est fort. En ce sens, le fondamentalisme est un symptôme et doit être traité comme tel.

3Le catholicisme, comme tout groupe, n’échappe pas à ce phénomène. Il a souvent fait la une des journaux : il est appelé intégrisme. Il est la bête noire des chrétiens progressistes qui voient en lui une grave menace pour l’Église et le témoignage qu’elle doit porter dans le monde moderne. C’est ce mouvement réactif qu’il nous faut étudier succinctement.

4Je procéderai de la manière suivante :

  • Qu’entend-t-on par intégrisme en catholicisme ?
  • Les raisons du regain de l’intégrisme
  • La thérapie pastorale et théologique
  • Conclusion : l’angoisse indépassable

5Le fondamentalisme est un terme ignoré dans le catholicisme. Il y désigne les mouvements protestants qui lisent l’Écriture littéralement. Le fondamentalisme protestant est la réponse à un défi : l’Écriture est dans ces Églises la seule autorité. Son interprétation scientifique est trop souvent, aux yeux de nombre de croyants, un moyen de détourner son sens. La science ignore la foi de la communauté. Les fondamentalistes tiennent à ce qu’elle ne soit pas lettre morte. L’Écriture étant l’indice de la Parole divine, il faut l'entendre telle qu’elle se donne à entendre. Il n’existe pas d’arbitre entre la communauté et l’Écriture. Le rapport étant immédiat, il faut en tirer les conséquences pour la lecture.

6Dans l’Église catholique, il existe un tiers : l’autorité magistérielle. Elle s’affiche comme l’interprète ultime du sens de l’Écriture qui n’est dès lors plus le seul référent. Aussi parlera-t-on d'intégrisme ou de traditionalisme plutôt que de fondamentalisme. Ce n’est pas le rapport à l’Écriture qui est décisif, mais le lien à la tradition approuvée par le magistère. Même si les intégristes ont manifesté parfois leur allergie à une exégèse trop historique de la Bible et notamment des Évangiles, s’ils ont en ce sens une tendance fondamentaliste, leur souci premier n’est pas la fidélité à un texte. En France, l’intégrisme est souvent lié à une opposition à la politique ecclésiale de compromis avec l’État laïc, mais il a surtout été ravivé par la volonté de réforme de Vatican ii.

7Ce concile a été un révélateur et une pierre d’achoppement pour trois raisons : la rupture avec une forme traditionnelle de la religion, l’approbation de la tendance progressiste : réconciliation avec la modernité et une théologie incertaine.

1. La rupture

8Vatican II a promu une religion d’insertion sociale et de militance culturelle au détriment d’une religion de transmission de vérités dogmatiques, d’impératifs moraux et de culte immuable.

9Le schisme de Mgr Lefebvre, qui fut comme le fer de lance d’une grande variété de sensibilités, énonce assez bien le désir et la peur qui habitent l’intégrisme : si Dieu est Dieu et s’il s’est révélé dans des paroles vraies, il en résulte des données immuables quant à la vérité, à la pratique, à la liturgie. Ébranler ce caractère immuable sous prétexte d’adaptation à la modernité ou d’acculturation dans les civilisations non occidentales, c’est être infidèle à ce qui fut confié à l’Église pour qu’elle le garde comme un trésor.

10Vatican ii fut selon cette tendance une naïve compromission avec le monde moderne en vue de faire plaisir à ceux qui s’impatientaient de l’inertie ecclésiale.

2. La tendance progressiste

11Les impatients, ce furent les progressistes dont les symboles étaient les Pères Chenu, Congar, etc. Leur mouvement, selon les intégristes, n’avait qu’un but : faire réussir celui qui avait été inauguré au début du xxe siècle par les modernistes, relativiser les vérités dogmatiques et atténuer les impératifs moraux, notamment en matière de sexualité, remettre à l’inventivité des fidèles la création du cadre liturgique et en conséquence brader la tradition. Les intégristes choisirent le passé assuré contre l’avenir incertain, de type utopique et démocratique.

3. La théologie indécise

12Les intégristes ont une idée très claire de la théologie : elle doit être le porte-parole des décisions magistérielles, les expliquer, non les discuter. Aussi ont-ils vu dans la théologie de débat qui présida au concile et qui s’affermit ensuite une menace pour l’autorité du magistère, l’émergence d’une indécision sinon d’un doute au cœur de la vérité de foi. On ne débat pas de la Parole de Dieu, on en témoigne dans son intransigeance et on la pratique. Pour les intégristes, ce phénomène d’une théologie désarrimée du magistère est devenu d’autant plus dangereux que le magistère lui-même s’est laissé prendre aux pièges de la compromission avec la modernité.

Les raisons du regain de l’intégrisme en catholicisme

13Une première remarque : j’utilise le mot « regain » avec quelque réticence parce que nous ne disposons d’aucun moyen fiable de parler d’une remontée de l’intégrisme en catholicisme. Il faudrait plutôt parler d’un « raidissement » de l’autorité centrale sous la pression de groupes traditionalistes par rapport à ce qu’elle juge, à tort ou à raison, être des dérives. Mais qu’il y ait recrudescence de l’intégrisme reste à démontrer. Toutefois comme des formes doctrinales et disciplinaires de raidissement le montrent, une sensibilité intégriste demeure persistante et des groupes récemment fondés en sont affectés. Ces groupes ont une réelle efficacité dans l’Église : ils se portent garants de la vérité de la foi.

14Quelles sont les raisons de cette persistance et peut-être de cette attirance ? J’en indique trois qui me paraissent les principales : la sécurité de la tradition dans un monde incertain, la force des vérités établies dans un monde relativiste et la méfiance à l’égard des interprétations.

1. La sécurité de la tradition dans un monde incertain

15Les interviews des vignerons français dans le film Mondovino témoignent de l’attachement à la tradition : ce qui fut fait a produit de très bons résultats, il est inutile, pour des raisons de techniques modernes, de risquer des résultats médiocres et de donner publicité à des goûts formatés par des multinationales.

16Pour les intégristes, ce qui fut fait dans le passé et qui fut stable souvent pendant des siècles avec des résultats qui ne furent pas médiocres, n’a aucune raison d’être abandonné. Il serait irresponsable de préférer l’aventure à la sécurité.

17L’horizon pour ce choix de la sécurité relève d’un phénomène ambiant : le sentiment d’une incertitude culturelle et philosophique autant que morale dont souffrirait l’Occident. On note qu’il n’y a plus de repères, que l'individualisme prime sur l’intérêt commun, que le manque de sens affecte les comportements, que le nihilisme est une pratique s’étendant. Et cela touche les catholiques, d’où l’effondrement de la pratique liturgique et morale.

18L’avenir ne fascine plus, il inquiète, il angoisse. Dès lors défendre dans sa pensée et sa pratique les acquis du passé est une manière de se protéger contre l’angoisse ou la peur envahissantes.

2. La force des vérités établies dans un monde relativiste

19Non seulement les vérités acquises dans la société, notamment en matière de morale et de connaissance, ont extrêmement varié, au point que beaucoup ont le sentiment que le vrai est passager et non structurel ; mais en fonction du dernier concile et de certaines repentances officielles, l’impression a été donnée que – comme dans le domaine socio-culturel – la religion ne jouit d’aucune stabilité, elle est devenue mouvante et flottante. Des données qui autrefois avaient été considérées comme relevant de vérités immuables ou révélées, sont désormais rangées au rang d’opinions ou d’erreurs : telles les limbes, le salut des infidèles, la nécessité du baptême ou des sacrements, l’unicité de la religion. Une hésitation angoissée s’installe. Le christianisme contemporain l’attise plus qu’il ne l’apaise. On s’interroge : où vais-je trouver une certitude puisque beaucoup disent « croire autrement » ou faire un choix de ce qui leur convient dans le corpus de vérités établies et rejettent ce à quoi ils sont indifférents ? Pour les intégristes, l’intrusion de l’incertitude contemporaine dans l’Église leur paraît exiger, de la part des autorités, une reprise forte de la tradition ancienne. La révélation de Dieu ne peut engendrer la peur par son manque de précision, même si elle génère la crainte par son jugement. Si elle pousse à l’incertitude, c’est qu’elle est détournée de son sens.

3. La méfiance à l’égard des interprétations

20Il serait exagéré de dire que la lecture de l’Écriture en catholicisme a été dominée par le littéralisme, proche du fondamentalisme. Le littéralisme s’est surtout appliqué à la lecture des livres anciens (connaissance de la nature) et des livres historiques. Mais il ne s’agit pas tant ici de fondamentalisme que d’un usage sans recul des modes de lecture alors dominants.

21En effet, le littéralisme est devenu incongru à l’époque moderne, le dysfonctionnement a commencé lorsque les méthodes historiques ont été utilisées pour interpréter l’Écriture à partir du xviiie siècle. Il est alors apparu que les textes historiques et surtout les textes de la Genèse avaient été écrits dans une perspective sans rapport avec nos exigences de rigueur et d’exactitude et qu’ils relevaient pour une part de la fiction ou des intérêts des communautés. Ces textes avaient d’ailleurs été rédigés très longtemps après les événements rapportés. L’application de tels principes changeait le rapport aux textes évangéliques et au Jésus historique.

22Qui croire : l’interprète savant ? l’interprète ecclésial qui en était souvent resté aux méthodes anciennes ? le sentiment des croyants qui opéraient un tri en fonction de leurs intérêts ?

23Faut-il donner tant de place au lecteur et accepter une grande malléabilité du texte ? Les lectures d’après des points de vue divers sont-elles légitimes ?

24Les intégristes perçoivent dans ce jeu interprétatif avec l’Écriture un danger : chacun lit selon son propre désir. Il n’y a plus de normes. Toute certitude se dérobe.

25Cette description est rapide et approximative : elle pointe un malaise dont il est difficile de percevoir l’extension. Il vaut mieux prendre ce symptôme au sérieux que l’anathématiser.

Thérapie pastorale et théologique

26Un symptôme d’un mal-être appelle non seulement analyse mais aussi thérapie. L’Église catholique a-t-elle les moyens de contenir ou de guérir l’angoisse ou la peur qui s’annoncent dans l’intégrisme ? Je pars donc de l’hypothèse que l’intégrisme vit son appartenance à l’Église comme un mal-être.

27Je propose trois pistes qui ouvriraient à une thérapie possible : neutraliser l’environnement, dédramatiser le rapport à l’Écriture et désacraliser le passé. Je conclurai en estimant que le véritable enjeu est l’acceptation de l’obscurité de la foi opposée à la volonté de l’évidence des signes.

1. Neutraliser l’environnement

28Les intégristes ont peur : la morale s’effiloche, les valeurs se délitent, la religion s’amenuise, la société s’émiette, l’Église ne réagit pas, elle s’abandonne ; seules les structures administratives et étatiques dépourvues de sens existentiel permettent une existence minimale, ou d’éviter la jungle. Bref, ils donnent une description presque démoniaque de la perversion du monde.

29L’Église est donc accusée de trahison parce qu’elle ne lutte pas contre cette dérive, malgré quelques exhortations des responsables.

30La sortie de l’angoisse débute par une vue plus innocente ou humoriste du monde. Il n’est ni bon ni mauvais au sens absolu. Il est écartelé entre le bien et le mal. Se constituer comme militant du bien, c’est oublier cette ambivalence qui traverse l’humanité individuelle ou collective.

31Une première thérapie consiste à apaiser : le démoniaque ne règne pas seul dans le monde et l’Église n’est pas une arche ou une oasis, elle est le lieu des mêmes démêlés. Neutraliser, c’est voir l’histoire ni en noir ni en blanc, mais la déchiffrer comme le lieu d’une lutte inachevée où l’Esprit n’est pas moins agissant, même s’il est moins visible, que le démoniaque toujours amplifié par les médias.

32Une seconde thérapie revient à apprécier le monde, et non à le déprécier. C’est l’axe sacramentel : signifier dans un geste visible l’invisible qui habite le monde. Ainsi le baptême est naissance à une dimension transcendante latente dans la première naissance ; l’eucharistie, repas terrestre métaphore ou indice d’un repas céleste, ou le sacrement des malades entrent dans la même problématique. Le sacrement est une appréciation du monde comme lieu possible de sens et de beauté, non comme visée de perversion. Le Règne est déjà là : il faut avoir des yeux pour voir. Déprécier le monde, c’est faire le jeu de l’angoisse intégriste. Diaboliser le politique peut avoir le même résultat.

33« Les mots tuent plus que les armes » dit un proverbe arabe.

2. Dédramatiser le rapport à l’Écriture

34L’intrusion d’un savoir neutre, la méthode historique, a suscité des querelles considérables. Les ouvrages du xixe siècle sur la vie de Jésus, notamment ceux de Strauss et de Renan, ont été perçus comme des brûlots contre le christianisme. En conséquence, la réaction fut vive : la Bible appartient à ceux qui ont la foi et ne peut être lue authentiquement par ceux qui ne partagent pas cette foi. L’intégrisme a poussé, comme le fondamentalisme, à l’extrême cette réaction : il juge que de nombreux essais exégétiques tentant de cerner ce que fut historiquement Jésus sont des entreprises malfaisantes.

35L’Église catholique s’est détachée de cette perspective étroite, sinon sectaire (Divino afflante, 1943) et a admis non seulement la légitimité mais la nécessité d’une approche scientifique de la Bible. Cela veut dire en clair que la Bible appartient à tous et que tous, en un débat honnête, ont droit à confronter leurs interprétations.

36Il faut essayer d’amener les intégristes à une autre perception de l’Écriture : elle n’est pas Dieu se donnant en évidence, elle est une parole humaine habitée par une parole transcendante. Si l’humanité de la parole est omise, la transcendance est mensongère. La confiance en Dieu qu’est la foi n’est pas la confiance naïve en l’Écriture : celle-ci est à la fois écran et révélation. Récuser cette ambiguïté à laquelle est confronté le sujet-lecteur-interprète revient à prétendre que Dieu s’identifie à la circulation mouvementée et contradictoire de l’histoire d’un peuple et d’une communauté. L’ambivalence de l’Écriture ne pousse pas au drame, mais à la liberté. Celle-ci n’est pas spontanée : elle nécessite humilité et culture. Le savoir honnête dédramatise. Il faut du temps et de la persévérance pour prendre du recul à l’égard des préjugés qui protègent.

3. Désacraliser le passé

37Lorsque l'idée du progrès dominait, une certaine euphorie planait sur la société. Mais avec l’expérience traumatisante du xxe siècle, le pessimisme ou le nihilisme finissent par devenir monnaie commune. Cet environnement ne pouvait que renforcer l’allergie des groupes intégristes à l’égard d’un devenir progressif du monde. L’avenir devenu incertain – thème largement développé par les penseurs actuels – semblerait justifier leur attachement au passé. Les mouvements intégristes partagent une idée qui n’est pas seulement leur : le monde était équilibré et bon à l’origine, peu à peu se sont introduits des facteurs de dégradation : le mal et la violence ont prospéré. Le monde suit une pente déclinante, ce que conforterait la parole de Jésus : « Quand le Fils de l’homme reviendra, y aura-t-il encore la foi sur la terre ? » Le passé est donc le heu de l’âge d’or comme le fut pour l’Église son commencement.

38Il faut résister à cette obsession de la décadence. Le catholicisme ne manque pas de ressources pour réagir contre cette fiction d’un passé idyllique. Trois pistes s’ouvrent :

a) Présenter une histoire relativement objective de l’Église

39Eviter à la fois l’acharnement des médias à la noircir et l’apologie de son innocence. Les repentances de Jean-Paul II à l’égard des juifs, du mépris des autres religions, du refus de la liberté de conscience, de la légitimité prétendue de l’Inquisition peuvent être une voie pédagogique pour inciter à regarder le passé dans son ambiguïté. Les écrits du Nouveau Testament, avec les nombreuses mises en garde qu’ils recèlent contre l’affadissement, œuvrent dans le même sens. Le passé se désacralise par une approche honnête de ce qu’il fut : parfois remarquable, souvent médiocre, quelquefois criminel. Sans doute ne fut-il ni meilleur ni pire que notre temps.

b) Insister sur l’actualité de Dieu ou de son Esprit

40Dieu est toujours agissant : il ne s’est pas contenté de donner une chiquenaude lors de la création, lors de la naissance d’Israël ou de l’Église. Il est présent comme le Christ le fut aux disciples d’Emmaüs doutant. Mais l’agir du Père n’a pas de repères géographiques ou sociaux définis a priori. Si l’on en croit le Nouveau Testament, il est là où on ne l’attend pas. Croire qu’un groupe ou une idéologie est le lieu privilégié de l’action de Dieu, c’est nécessairement la manquer. Comme le fait remarquer Jérémie à propos du temple : « Ne vous y fiez pas, Dieu n’y loge pas, il habite là où la justice s’annonce ». Vatican ii avait voulu évoquer par la notion de signes des temps l’agir actuel et la non-localisation de Dieu. Dieu ne s’est pas barricadé dans le passé comme dans une forteresse inexpugnable. Malgré eux, les intégristes par leur attachement au passé, justifieraient les pensées les plus radicales sur la désertion de Dieu. Une pédagogie des signes s’avère nécessaire pour contrer la localisation temporelle, parfois locale, de Dieu. Il n’est pas oisif, il ne dort pas, mais il ne s’agite pas.

c) L’avenir ouvert

41L’Apocalypse de Jean s’achève sur une prière : « Seigneur, viens ! », et la prière quotidienne de l’Église est empruntée à celle que Jésus nous a apprise : que ton règne vienne ! Ce n’est donc pas le passé qui est décisif, mais ce qui s’annonce dans l’apparent chaos du monde.

42Aujourd’hui, l’avenir fait peur, c’est l’une des raisons du raidissement perceptibles des autorités romaines, c’est l’une des causes du nihilisme et de la crispation sur l’instant. Or, la jeunesse se ride et l’instant s’évanouit. L’éphémère a du charme mais il ne tient pas. Si l’avenir a une telle place dans la foi chrétienne, c’est qu’il est la métaphore de la jeunesse de Dieu. Héraclite nota : « Le temps est un enfant : royauté d’un enfant. » Ainsi pointait-il sa fantaisie. Le poète breton Guillevic écrivit :

Personne ne va jamais sur la tombe de celui-là.
Tu parles de qui ?
Du temps.

43Dans la Bible, le temps est le moment de l’enfantement d’un monde autre que nul ne peut imaginer, car selon la Bible, personne ne peut décrire ce que Dieu réserve à ceux qu’il aime. Sa promesse n’est pas un vain mot. L’avenir n’engendre la peur que si le temps est laissé à la fantaisie cruelle qu’a admirablement décrite Nietzsche et qu’il a saluée comme liberté :

L’impérissable n’est que parabole !
Dieu, le captieux, imposture de poète...
La Roue du monde en roulant
Frôle but après but :
Misère a dit le rancuneux,
Le fou dit – jeu.
L’impérieux jeu du monde mêle l’être et l’apparence :
L'éternelle extravagance
Nous y mêle – pêle-mêle.

44Désacraliser le passé, reconnaître la profondeur occultée du présent, avoir des yeux pour voir, c’est se tourner librement vers l’avenir, comme Abraham qui partit sans savoir où il allait et qui selon Grégoire de Nysse fut étrangement dans la vérité (cf. Héb 11). Sans doute cette pédagogie serait plus crédible et plus efficace si l’institution ecclésiale ne cédait pas elle-même (mille signes l’attestent) à la peur qui habite l’intégrisme, si elle mettait effectivement en pratique l’exhortation de Jean-Paul ii lors de son accession au pontificat : « N’ayez pas peur ! ».

45Je conclurai par la conviction qui soutient cette pédagogie ou cette approche : la foi comme obscurité féconde.

46La foi est fondamentalement une confiance faite à Dieu. Dieu a choisi pour se manifester une voie non évidente : celle de Jésus, son porte-parole qui innocent, s’est laissé assassiner. La foi en la résurrection n’ôte en rien le caractère paradoxal et obscur de ce choix. Dès l’origine, les chrétiens supplièrent Dieu de mettre fin à cet état d’exception, ils le sommèrent de réaliser hâtivement la promesse. Mais celle-ci demeure différée sans que nul ne sache le jour de sa réalisation. Aussi, Dieu demeure-t-il, malgré et surtout à cause de sa manifestation en Jésus, l’inévident, le très-obscur et en quelque sorte l’impossible. La tâche de l’Église est de veiller à ce que les croyants vivent dans cette attente de son ultime manifestation et dans l’incapacité de dire où il agit, de soutenir la foi inébranlable en Dieu, loin des vaines sécurités d'un texte, d'une tradition ou d’une autorité. Nul n’a jamais vu Dieu, dit Jésus. Rien n’est plus humain que de vouloir lui substituer des idoles palpables. L'intégrisme est une démarche qui vise à éviter l’insécurité de la foi, jugée comme un doute sur sa valeur. Certes, il mérite respect pour l’angoisse qui l’habite, mais il ne saurait être la clé de lecture de la Bible et de l’histoire ecclésiale.

47Peut-être un proverbe bouddhiste japonais ouvre-t-il paradoxalement à la vérité de cette insécurité : « La vie est comme la flamme d’une lampe exposée au vent ».

48La foi n’est pas indemne de cette exposition risquée.

Quels sont les différents types de catholiques ?

Les catholiques se divisent à leur tour en différentes églises particulières. L'Église catholique romaine désigne l'Église latine (Église occidentale). Parallèlement, il existe les églises catholiques orientales, qui se divisent à nouveau en églises grecques-catholiques ou arméniennes-catholiques.

C'est quoi un intégriste ?

1. Attitude et disposition d'esprit de certains croyants qui, au nom du respect intransigeant de la tradition, se refusent à toute évolution. 2. Conservatisme intransigeant en matière de doctrine politique.

Quelle différence entre les chrétiens et les catholiques ?

Cependant, il faut convenir que, dans le langage courant, être catholique signifie, en général, être né dans une famille appartenant à cette tradition, tandis qu'être chrétien, au sens propre du terme, signifie s'être volontairement et sciemment tourné vers Jésus-Christ.

Quand et où est né l'intégrisme ?

En son sens actuel, le mot « intégrisme » est un terme du vocabulaire polémique, à forte nuance péjorative, qui est né dans les milieux catholiques français peu avant la Première Guerre mondiale, à un moment où les luttes de tendances se durcissaient.